Je suis retombée dernièrement sur un livre, dont je pense qu'il est intéressant de parler ici, car malgré une parution plus toute récente, le sujet traité est toujours pleinement d’actualité.
Je parle de "L'amour en plus. Histoire de l'amour maternelle / XVIIe - XXe siècle." d’Élisabeth Badinter (1980).
Élisabeth Badinter, philosophie et maître de conférences à l’École polytechnique, est une spécialiste des Lumières. Féministe, elle a également écrit de nombreux ouvrages sur les rapports hommes-femmes et la place de la femme dans notre société.
Dès la préface, le ton est donné! En
donnant l'exemple du nombre de nourrissons parisiens abandonnés aux
seins de nourrices de campagne (19 000 sur les 21 000 naissances
annuelles en 1780), l'auteur entre dans le vif du sujet et théorise sur la non-existence de l'instinct maternelle et l'amour maternelle, comme une donnée automatique, naturelle et d'innée. Car comment le fameux "instinct maternel"
peut-il autant varier d'un siècle sur l'autre, d'une société sur l'autre
si celui-ci est une donnée naturelle chez la femme?
Tout
du long de l'ouvrage, Badinter argumente sur cette non-existence prédéfini
de l'instinct maternel, avec un développement en trois parties, en suivant un certain ordre chronologique. Dans une première partie elle met en évidence les comportements
d'évitements des mères envers leurs enfants durant le XVIIe et XVIIIe
siècle, puis démontre ensuite une évolution dans ces comportements, comme des
faits soumis à des modes et à des influences sociétales. La dernière partie nous montre comment la société à érigé ensuite en dogme, cette théorie d'instinct et d'amour maternel, et par la même, un idéal de la mère.
En premier lieu, Badinter démontre que les parents, aux XVIIe et XVIIIe siècle, ne portaient que peu d’intérêt à leur progéniture. Elle évoque, le statut de l'enfant, qui a aujourd'hui évolué, légalement,
mais aussi au regard de la société, et au sein des familles. Sous l'Ancien Régime,
la naissance d'un enfant, est "ressentie comme une gêne, voire comme un
malheur" : un fardeau qui prend et immobilise la mère durant le temps de
la grossesse, mais qui fatigue également après, demandant soins et
attention au sein du foyer. Le rejet passe par le refus des mères de donner le
sein et le recours à une nourrice mercenaire, le plus souvent lointaine.
Dans une seconde partie, l'auteure développe la manière dont les politiciens ont, fin de l'Ancien Régime, voulu changer cette situation des enfants mis en nourrice et réduire ainsi la mortalité infantile. On tente alors de faire changer les mères, de les responsabiliser. Une campagne de sensibilisation est lancée. Les philosophes du siècle des Lumières vont favoriser le changement : l'amour maternel sera valorisé et érigé comme source de joie pour les "bonnes mères" et comme valeurs féminine par excellence. On encourage et on éduque les mères. On menace de grands malheurs celles qui ne suivent pas les percepts (enfants malade, familles malheureuses...). Pourtant, si cet amour maternel indéfectible était si naturel, aurait-il été si nécessaire de le valoriser et de l'encourager? Si l'instinct maternel était inné, aurions nous eu besoin d'éduquer les mères à ce qu'elles s'occupent de telles ou telles manières de leurs enfants?
Badinter, dans la troisième partie de son ouvrage, nous expose les effets de ce changement de comportement vis à vis des mères. De Rousseau à Freud, elle parle de ces philosophes qui ont profondément changé l'image sociétale de la maternité et de ce que "doit être" une mère, et plus précisément même une "bonne" mère. L'un comme l'autre ont participé à la construction d'une représentation faussée de la maternité, culpabilisant toutes celles qui ne correspondent pas exactement à cet idéal. Mettant en avant l'aspect contre nature d'être une "mauvaise" mère. Culpabilisant celles qui sont confrontées à des difficultés dans leur maternité. Une mère "sait". Elle "doit" savoir, puisqu'elle est "femme", et qu'il est "naturel et normal" pour une femme d'enfanter. Ce discours ultra-culpabilisant, atteint son paroxysme dans la psychanalyse Freudienne, ou la "mauvaise mère" est forcément malade puisqu'elle n'est pas normal, et par extension risque de rendre malade (dans le sens d'un mal-être, de souffrances psychiques) ces propres enfants.
Alors oui, si l'on ne peut renier l'amour qu'une mère peut ressentir pour son enfant à de tout
temps existé. Non on ne peut affirmer qu'il est automatique et donc qu'il n'engendre pas forcément un rapprochement et un lien indéfectible entre mère et enfant. L’instinct maternel (ou "comportement maternel inné") n'existe pas, au mieux il y a de l'amour (maternel), qui sans être automatique, se construit (ou non), selon les femmes et différemment selon chacune d'entre elle.
On peut évoquer les problématiques
économiques, ou de mortalité infantile, importante à cette époque, pour
justifier de ces abandons. Pourtant, la bourgeoisie et l'aristocratie ont
dès le XIIe siècle donné l'exemple en abandonnant leurs enfants à des
nourrices et sans grande préoccupation, à une époque si difficile, ou le
lait de la mère aurait été des plus bénéfiques pour l'enfant et sa survie. Au XVIIe, ce phénomène c'est largement répandu dans les
différentes couches sociales, comme l'affirme l'auteure en citant Montaigne et ces
" Essais". C'est cette généralisation de l'abandon, et l'évitement des tâches d'éducation, qui laisse à penser à l'auteure, que cet amour maternel que l'on qualifie aujourd'hui d'incommensurable, semblait absent chez bien des mères de l'ancien régime.
Dans une seconde partie, l'auteure développe la manière dont les politiciens ont, fin de l'Ancien Régime, voulu changer cette situation des enfants mis en nourrice et réduire ainsi la mortalité infantile. On tente alors de faire changer les mères, de les responsabiliser. Une campagne de sensibilisation est lancée. Les philosophes du siècle des Lumières vont favoriser le changement : l'amour maternel sera valorisé et érigé comme source de joie pour les "bonnes mères" et comme valeurs féminine par excellence. On encourage et on éduque les mères. On menace de grands malheurs celles qui ne suivent pas les percepts (enfants malade, familles malheureuses...). Pourtant, si cet amour maternel indéfectible était si naturel, aurait-il été si nécessaire de le valoriser et de l'encourager? Si l'instinct maternel était inné, aurions nous eu besoin d'éduquer les mères à ce qu'elles s'occupent de telles ou telles manières de leurs enfants?
Badinter, dans la troisième partie de son ouvrage, nous expose les effets de ce changement de comportement vis à vis des mères. De Rousseau à Freud, elle parle de ces philosophes qui ont profondément changé l'image sociétale de la maternité et de ce que "doit être" une mère, et plus précisément même une "bonne" mère. L'un comme l'autre ont participé à la construction d'une représentation faussée de la maternité, culpabilisant toutes celles qui ne correspondent pas exactement à cet idéal. Mettant en avant l'aspect contre nature d'être une "mauvaise" mère. Culpabilisant celles qui sont confrontées à des difficultés dans leur maternité. Une mère "sait". Elle "doit" savoir, puisqu'elle est "femme", et qu'il est "naturel et normal" pour une femme d'enfanter. Ce discours ultra-culpabilisant, atteint son paroxysme dans la psychanalyse Freudienne, ou la "mauvaise mère" est forcément malade puisqu'elle n'est pas normal, et par extension risque de rendre malade (dans le sens d'un mal-être, de souffrances psychiques) ces propres enfants.
Alors oui, si l'on ne peut renier l'amour qu'une mère peut ressentir pour son enfant à de tout
temps existé. Non on ne peut affirmer qu'il est automatique et donc qu'il n'engendre pas forcément un rapprochement et un lien indéfectible entre mère et enfant. L’instinct maternel (ou "comportement maternel inné") n'existe pas, au mieux il y a de l'amour (maternel), qui sans être automatique, se construit (ou non), selon les femmes et différemment selon chacune d'entre elle.
Cependant ont été présentés ici les seuls arguments présent dans l'ouvrage d’Élisabeth Badinter (que vous aurez je l'espère plaisir à lire!). Afin d'élargir le débat, nous apprécierons dans un prochain article, les éclairages de spécialistes d’horizons différents.
Pour les curieux voici un extrait de l'émission Apostrophe de Bernard Pivot, où l'auteure parle elle même de son livre, datant du 30 mai 1980. Vous y avez accès ICI, sur le site de l'Ina.
Sources et Références :
- Elisabeth Badinter, L'amour en plus, histoire de l'amour maternelle, XVII-XXe siècle, Flammarion, 1980.
Tableau "La mère et l'enfant" de Gustav Klimt (1905).
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